samedi 17 avril 2010

LA CHAÎNE D'ASEPSIE EN PRATIQUE ODONTOLOGIQUE

I. INTRODUCTION- DÉFINITIONS:
L'asepsie est l'ensemble de mesures visant à éviter la pénétration de microbes dans l'organisme.


Elle est composée :

> de l'antisepsie : vise à éradiquer les micro-organismes constituant la flore normale des tissus vivants et à éviter leur pénétration dans l'organisme ou leur transmission à d'autres personnes ou à l'environnement. Cet objectif doit concilier efficacité antimicrobienne et respect de l'intégrité des tissus vivants. Les produits utilisés sont appelés antiseptiques.

> de la désinfection : vise à éradiquer les micro-organismes présents sur les dispositifs médicaux et risquant d'être introduits dans l'organisme. Les produits utilisés sont appelés désinfectants.

Le risque contaminant recouvre différents types de micro-organismes : les bactéries, les virus, les levures, les parasites et les prions.

Ces "microbes" sont présents partout mais plus particulièrement dans les milieux riches en matières organiques et minérales. Les sources de contamination sont donc très nombreuses : l'environnement (air, eau, sols…), l'être humain (il abrite environ 1014 micro-organismes) et ses sécrétions (sang, salive, sperme…).

Les modes de transmission sont également variés : le plus fréquent est la contamination manu portée, mais la contamination aérienne ou les accidents d'expositions au sang ne sont pas à négliger.

II. INFECTIONS NOSOCOMIALES EN CHIRURGIE DENTAIRE:

La plupart des infections nosocomiales sont des infections endogènes (60%), provoquées par la propre flore du malade. Ce sont des infections locales ou régionales qui dépendent de la susceptibilité du patient. La prévention de ces infections endogènes passe par une hygiène du malade et une éventuelle antibioprophylaxie.


Les infections exogènes (40%) sont causées par la flore des autres patients ou du personnel soignant ; il s'agit le plus souvent d'une transmission croisée par contact direct ou par les instruments et les surfaces contaminées. Leur prévention passe par une hygiène rigoureuse des mains, la propreté des locaux, et la désinfection du matériel.

Il existe peu de données sur les infections nosocomiales en chirurgie dentaire.

Le risque infectieux lié aux soins dentaires est rare (1% à 1 ‰, mais réel : risque si le patient est porteur du HBV 20%, HCV 3%, VIH 0.3%)

Le risque viral le plus élevé semble être lié à l'usage des instruments rotatifs. Diverses études expérimentales ont montré qu'un refoulement des liquides biologiques vers les canaux et la chambre internes se faisaient même avec les appareils équipés de système anti-retour. Ensuite, lors de la réutilisation de l'appareil, un relargage progressif de produits biologiques potentiellement infectants s'effectue dans la bouche du patient suivant. Par ailleurs l'usage de lubrifiant accroît la résistance à la désinfection du VIH en cas de procédure de nettoyage inadaptée.

Outre les trois virus précédemment cités, on peut signaler pour mémoire la possible transmission par voie aérienne de maladies comme la rubéole, la varicelle, la grippe ou encore les infections à adénovirus. Il faut souligner également la transmission possible de l'herpès virus. Il est aussi classique de retrouver parmi les pathologies bactériennes en théorie transmissibles en milieu dentaire la tuberculose et la légionellose.

La contamination du soigné par un soignant infecté est elle aussi possible.

Porter rapporte le cas de 55 patients contaminés en 3 ans par un dentiste porteur du virus de l'hépatite B et n'appliquant pas les règles classiques de prévention. Après la mise en oeuvre du port de gants systématique, aucune contamination n'est survenue chez 8000 patients traités par ce praticien. La mauvaise compliance au port des gants est fréquemment soulignée dans la littérature. A titre d'illustration, dans l'enquête de Burke réalisée auprès d'orthodontistes britanniques, seul 39% portaient systématiquement des gants au cours des soins qu'ils prodiguent et 12% avouaient ne jamais en utiliser.

Aussi, il est plus que jamais impératif de respecter les règles d'hygiène et d'asepsie préconisées en dentisterie ainsi que de mettre en oeuvre un traitement efficace du matériel entre chaque patient.



Cette notion de "responsabilité" est clairement soulignée dans le Code de Déontologie.

Article 2.1 : Le Chirurgien-Dentiste au service de l'Individu et de la Santé Publique, exerce sa mission dans le respect de la vie de la personne humaine. C'est un préambule, précisé par :

Article 3.1 : Le Chirurgien-Dentiste ne doit en aucun cas exercer sa profession dans des conditions susceptibles de compromettre la qualité des soins et des actes dispensés ainsi que la Sécurité des Patients. Il doit notamment prendre et faire prendre par ses adjoints ou assistants, toute disposition propre à éviter la transmission de quelque pathologie que ce soit.

III. PROTOCOLES D'ASEPSIE AU CABINET DENTAIRE
A. LAVAGE DES MAINS:
Conditions nécessaires : lavabo accessible, savon liquide, essuie-mains papier (pas de torchon ou serviette),



manches courtes, pas de bijoux, ongles courts, pas de vernis à ongles


> Lavage simple : Examen clinique


Savon liquide simple : durée 15 sec minimum


> Lavage hygiénique : IM, sutures, sondages, épidémies locales


Savon avec antiseptique : durée 30 sec minimum


> Lavage chirurgical : interventions


Savon antiseptique : durée 2mn x2


Brossage des ongles avec une brosse stérile


B. DISPOSITIFS MÉDICAUX : 3 niveaux d'urgence


1. Bas niveau : DM non critique :


En contact avec la peau


Essuyage avec un désinfectant après chaque patient


2. Niveau intermédiaire : DM semi- critique (miroirs, fouloirs)


En contact avec la muqueuse


Usage unique


Ou si réutilisable : pré désinfection, détersion, rinçage, désinfection par immersion


dans un désinfectant, rinçage


3. Haut Niveau : DM critique (pinces, scalpels, ciseaux, fraises)


Pénétration muqueuse ou os


Usage unique


Ou si réutilisable : pré désinfection, détersion, rinçage, stérilisation à l'autoclave

C. INSTRUMENTS SEMI-CRITIQUES ET CRITIQUES

> Décontamination : immersion pendant 10mn dans un détergent/désinfectant : elle a pour but de réduire la contamination initiale et permettre la manipulation du matériel sans danger


> Nettoyage/rinçage : manuel, machine à laver, ultra-sons


> Conditionnement : sachets fermés par collage, ou thermo soudure


> Stérilisation : thermique (autoclave, 134°C, 18 mn) ou chimique (désinfectant) pour le matériel ne supportant pas la chaleur


Caractéristiques du désinfectant idéal :

> Spectre adapté aux objectifs fixés
> Action rapide
> Actif en présence de substances interférantes
> Compatibles avec le matériel
> Peu ou pas toxiques
> Faciles à doser
> Stable
> Peu coûteux


bact. Myco Virus Virus spores
Gram + Gram - nus enveloppés
Halogénés Chlorés (Dakin) + + + + + +
Aldéhydes + + + + + +
Alcools + + + +/- + +
Chlorhexidine +/- + +/- +/- + +/-
Oxydants (eau oxygénée) +/- + + + + +
Ammoniums quaternaires + +/- - - - -
Colorants (mercuréscéine)

Sont non-conformes :


> Pastilles d'aldhylène ou de formol
> Détergent au lieu de désinfectant
> Stérilisation sans détersion
> Utilisation d'un antiseptique (chlorhexidine par ex .) à la place d'un désinfectant
> Alcool et flambage
> Chaleur sèche (poupinel)
> Stérilisateur à billes



D. CAS PARTICULIERS

Empreintes, prothèses : le problème réside dans la multiplicité des matériaux et de leurs propriétés. Le geste qui consiste à rincer une empreinte sous l'eau courante ne peut plus aujourd'hui être considéré comme suffisant mais l'utilisation d'un désinfectant sur un matériau ne doit pas nuire à la préservation de ses qualités(stabilité dimensionnelle, finesse de reproduction de l'état de surface…).Les nombreuses études réalisées, bien que présentant des résultats très variés permettent de dégager un protocole applicable à la quasi-totalité des matériaux (excepté les pâtes à l'oxyde de zinc/eugénol).

Protocole préconisé par l'ADA (American Dental Association) :

- Rinçage à l'eau courante

- Pulvérisation à l'aide d'un spray de ClONa à 0.5% (solution de la maison diluée au 10 ème)

- Mise en sachet hermétique pendant 10 mn

- Rinçage

Les prothèses, avant d'être mises en bouche, doivent subir toutes les étapes de la désinfection :

- Décontamination avec un détergent/désinfectant

- Nettoyage, rinçage

- Désinfection finale : Zeitoun préconise l'emploi de glutaraldéhyde à 2%, en immersion (pendant 30mn pour l'élimination de l'HBV et 6 à 10h pour l'élimination des spores bactériennes).

- Rinçage soigneux

Les modèles en plâtre peuvent contenir des micro-organismes provenant des prothèses, empreintes…et doivent donc également être désinfectés.

Il existe des plâtres contenant un désinfectant (chloramine à 0.25%) : quand le matériau est mélangé avec l'eau, la forme active du désinfectant est libérée ; cependant, cet effet n'est que temporaire.

La méthode de désinfection préconisée est l'utilisation de l'autoclave.

Radios : nettoyage, changement de gants, rinçage, désinfection avec produit compatible (eau de Javel 2.5% pendant 1 mn, glutaraldéhyde …) : immersion ou pulvérisation


ENVIRONNEMENT


> Décontamination des surfaces : spray (ne pas essuyer), lingettes (une lingette/m2 de surface)
> Désinfection des circuits d'eau
SOLS ET SURFACES :


Du plus propre au plus sale
Dépoussiérage humide
Ni éponge, ni serpillière, ni balai à poussière
Entre deux patients : nettoyage/essuyage avec un désinfectant (crachoir en dernier)





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