lundi 4 avril 2011

L’hypnose au cabinet dentaire

A l’heure où l’hypnose est utilisée partout et à toutes les sauces, qu’en est-il de son emploi en dentisterie ?
Petit article pour clarifier les esprits…
Si le mot Hypnosis (du grec hypnos = sommeil) inventé par l’écossais BRAID apparaît dans la littérature vers 1841, l’hypnose puise ses racines bien avant cette période.
Les civilisations grecques et égyptiennes avaient déjà recours à l’hypnose : les prêtres plaçaient des malades dans un sommeil guérisseur. Des temples du sommeil ont même été retrouvés lors de fouilles archéologiques.
Du point de vue dentaire, dès 1837, on peut retrouver dans la littérature, des extractions dentaires1, des chirurgies maxillo-faciales2… Ce qui montre à quel point cet outil n’est pas neuf !


L’hypnose c’est quoi ?

Dans la plupart des esprits, le mot hypnose est encore souvent associé au monde du spectacle où le magicien hypnotise des sujets pour les mettre raides comme des planches entre deux chaises ! Ou encore pour leur transpercer le bras avec une aiguille à tricoter !
Bien entendu, la technique employée au cabinet n’est pas la même…
Si le dentiste commence à regarder son patient avec des yeux de serpent et un disque psyché tournant sur son front en lui disant : « Aie confiance ! », il est presque certain que le patient, déjà stressé, sorte en courant du cabinet !
La « forme d’hypnose » n’est pas la même non plus.
 En effet, l’hypnose de foire est une hypnose directive, qui ne laisse aucun choix ni aucune compétence au sujet.
L’hypnotiseur est le maître et le sujet obéit aveuglément. Très peu de gens sont réceptifs à ce genre de suggestions directes et parfois dures.
L’hypnose médicale quant à elle est une forme d’hypnose très permissive. Pas question de faire croire au patient que l’on possède un pouvoir sur lui !
Mais bien au contraire, il s’agit de lui montrer qu’il possède en lui des ressources internes, et que nous sommes là pour l’aider à accéder à ses ressources.


Du point de vue scientifique ?
  • Définition de l’hypnose :

L’hypnose est un processus modifié de conscience.
Il ne s’agit pas de sommeil ni d’éveil mais un état de conscience à part qui permet une focalisation de l’attention du sujet. Cet état est obtenu par des suggestions d’un tiers ou par une démarche personnelle (dans le cas de l’autohypnose).

Concrètement, il existe une zone spécifique du cerveau (le cortex cingulaire antérieur)qui ne fonctionne que lorsque la personne est en état hypnotique.
Ainsi tout le monde peut entrer dans cet état d’hypnose ! Certains le font spontanément, sans y mettre l’étiquette hypnose dessus, il s’agit alors d’autohypnose. D’autres ont besoin de l’aide d’un tiers pour trouver cet état.

Et en pratique au cabinet dentaire ?

La prise en charge d’un patient pour des soins sous hypnose se fait en deux étapes :
• Une consultation préopératoire de diagnostic
• L’intervention proprement dite.

La consultation préopératoire permet :
• Une anamnèse détaillée des problèmes que rencontre le patient
Une information complète sur le déroulement d’une séance de soins sous hypnose





Une seule contre-indication à l’emploi de l’hypnose :
le patient psychotique. (Ingérable du point de vue psychologique) Sinon, on peut traiter toute forme de phobie, d’angoisse, de stress, les réflexes de nausées, les allergies…
Il est même possible de créer sous hypnose une anesthésie qui permet tous les soins et la chirurgie !
La séance de soins sous hypnose.
Le temps supplémentaire requis pour un soin sous hypnose varie entre 5 et 30 minutes suivant le patient. Et diminue au fur et à mesure des séances.


Les différentes étapes de la séance sont :
• relaxation corporelle
• induction hypnotique
• approfondissement de la transe
• soin dentaire
• réorientation du patient.
On commence par une relaxation corporelle, qui permet au patient de se détendre.
Cette détente a pour bénéfice une meilleure ouverture buccale, un ralentissement du rythme cardiaque et respiratoire et également une meilleure efficacité de l’anesthésie.



De plus, durant cette étape, le patient est souvent étonné de voir qu’il est capable de se détendre chez le dentiste ! ce qui va favoriser son entrée dans l’état hypnotique. Lorsque le patient est bien détendu, on commence l’induction hypnotique.
Utilisant des suggestions et de métaphores, le praticien guide le patient vers un état de transe hypnotique légère caractérisé par différents signes : diminution de la déglutition, regard fixe ou mouvements latéraux horizontaux des yeux si paupières fermées,
relâchement des muscles de la face…


Ensuite la transe est approfondie par d’autres techniques et suggestions pour atteindre un état compatible avec les besoins du soin. (Parfois une simple transe légère suffit).
Lors de l’approfondissement de la transe, le praticien peut amener le patient dans un vécu agréable que celui-ci a choisi de revivre ou de découvrir.(vacances passées, événement agréable à venir…)
Cette technique qui s’appelle la dissociation permet de travailler avec le corps au cabinet pendant que l’esprit voyage ailleurs.


Exemple de dissociation :


Qui n’a pas connu, sur les bancs scolaires, cette expérience où le prof vous pose une question et votre camarade de banc vous donne un coup de coude pour vous ramener à la réalité alors que vous rêvassiez en regardant dans le vague par la fenêtre, incapable de répondre à la question que vous n’avez pas entendue…
D’autres outils peuvent nous aider, la catalepsie et la lévitation de la main ou du bras.



La catalepsie : c’est le fameux coup de la planche à repasser !
En effet, il est possible à l’aide de certaines suggestions de créer une tension musculaire dans le membre qui permet de le placer dans une position particulière et pour un long moment, sans la moindre apparition de fatigue ou de crampe.
Très utile pour changer les pansements des membres chez les grands brûlés, elle peut être utile en dentisterie pour immobiliser une langue envahissante…
La lévitation permet un mouvement « autonome » du membre c’est-à-dire un mouvement dirigé par l’inconscient.Le patient constate que son bras monte tout seul ! S’il essaye de résister, il n’y arrive pas le bras continue de monter!


On utilise cet outil pour différentes choses :


1° Montrer au patient sceptique qu’il est bien dans un mode de
fonctionnement différent ! (Très efficace !)
2° Création d’une hypno-anesthésie :
On crée une anesthésie dans la main par une technique spécifique, puis, à l’aide d’une lévitation, on déplace la main anesthésiée vers la zone du corps que l’on veut anesthésier.
Au contact de la zone choisie, la main transmet par simple effleurement l’anesthésie à cette zone.



Le soin dentaire.
Lorsque le niveau de transe nécessaire au bon déroulement du soin est atteint, le reste du soin est tout à fait classique et simple.


La réorientation du patient.
A la fin du soin, il faut ramener le patient dans un état d’éveil classique. Pas question de le laisser avec une main anesthésiée, un bras tendu en l’air ou dans ses dernières vacances à Bali ! (dommage pour les vacances à Bali !)
Le praticien réoriente le patient dans le temps et l’espace.



Ce moment peut aussi être utilisé pour introduire des suggestions
post-hypnotiques, sortes de prescriptions verbales, disséminées
à travers le discours de réorientation.
Ces suggestions visent au confort et à la bonne cicatrisation du
patient dans les jours suivant l’intervention.


Ensuite le patient retourne chez lui tout à fait normalement.
Il est capable de conduire et souvent parfaitement relax.
Bien d’autres outils sont encore à la disposition de « l’hypno-dentiste ».
Et leurs champs d’application ne se limitent pas seulement aux soins des patients.
Les techniques de communications spécifiques que l’on apprend avec l’hypnose permettent aussi une meilleure gestion du cabinet et des conflits (avec les patients, avec l’équipe du cabinet, les confrères…).
L’auto hypnose peut aider le praticien dans sa gestion du stress quotidien. Evitant ainsi un burn out, malheureusement trop fréquent dans notre profession.
C’est sur cela que je travaille actuellement. Peut-être cela pourra- t-il faire le sujet d’un prochain article du point…
En attendant, si cette approche vous intéresse, je vous conseille de suivre une formation dans ce domaine si passionnant qu’est l’hypnose.
En Allemagne, en Angleterre, au Canada et aux Etats-Unis, l’hypnose figure au cursus universitaire.
Ce n’est malheureusement pas encore le cas en Belgique mais heureusement, il existe maintenant des formations très pratiques, exclusivement réservées aux dentistes.
Alors lancez-vous…


Kenton KAISER.
Dentalk @ skynet.be
Study Club de Verviers.



Bibliographie.


1. CHERCHEVE & BERRANGER E. L’hypnosophrologie en
art dentaire, Privat 1970
2. ENQVIST B ; VON KONOW L. & BYSTEDT H. Pre- and
perioperative Suggestion in Maxillofacial Surgery : Effects
on Blood Loss and Recovery. International Journal of
Clinical and Experimental Hypnosis, 1995.
3. FAYMONVILLE M.E. L’Hypnose en Anesthésie-Réanimation,
de l’application clinique aux mécanismes cérébraux.
Thèse. Faculté de Médecine ULG. 2002. 91-95
4. GERSCHMAN J.A. READE P.C. & BURROWS G.D. Hypnosis
and Dentistry. Amsterdam, Elsevier/North-Holland
Biomedical Press.
5. MARCUS H.W. Hypnosis in dentistry. Springfield, Illinois,
Charles C. Thomas.
6. S. EITNER, M. WICHMANN, S. HOLST. Un concept
thérapeutique à long-terme pour des patients ayant un
réflexe de haut-le-coeur grave.The International Journal
of Clinical and Experimental Hypnosis Volume 53, Number 1,
January2005
7. V. SIMON. Soutien empirique de l’hypnose en médecine :
revue. The International Journal of Clinical and Experimental
Hypnosis Volume 48, Number 2 - April 2000
8. ERICKSON M.H., E.ROSSI : The Collected Papers vol.
IV. NY, Irvington.
9. CLARKE J.H. Teaching Clinical Hypnosis in US and
Canadian dental schools. American Journal of Clinical
Hypnosis, 1996.




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