Saurons-nous faire pousser des dents ?
Molécules de signalisation et cellules souches en jeu.
JEAN-MICHEL SAUTIER - PARIS
La dentisterie actuelle offre un arsenal thérapeutique très varié au chirurgiendentiste.Des progrès énormes dans la recherche des biomatériaux ont permis de remplacer la perte d’une partie ou de la totalité des dents de façon esthétique et fonctionnelle. Cependant, ces solutions font davantage appel à des artifices ou « prothèses » qu’à des thérapeutiques de régénération. Ces dernières années, des avancées majeures ont été réalisées dans le domaine de la médecine et de la dentisterie régénératrice (thérapie cellulaire, thérapie génique, ingénierie biomédicale…).
Les recherches de ces dix dernières années ont abouti à plusieurs conclusions, dont l’une se révèle majeure : la régénération d’un organe se déroule de façon quasi identique à celle observée lorsqu’un embryon « construit » ce même organe. A ce jour, deux raisons poussent les chirurgiens-dentistes à adopter une attitude optimiste quant à la capacité d’induire la croissance d’une dent.
1) REGULATION MOLECULAIRE DU DEVELOPPEMENT DENTAIRE
L’identification de nombreuses molécules de signalisation guidant le développement dentaire laisse entrevoir des perspectives intéressantes.
Parmi ces molécules, l’ectodysplasine semble jouer un rôle déterminant. L’ectodysplasine est la molécule manquante dans le syndrome héréditaire qu’est la dysplasie ectodermique hidrotique. Cette pathologie est caractérisée par un développement anormal de la peau, et de structures associées comme les cheveux, les ongles, les glandes sudoripares ou les dents. Plusieurs mutations de gènes causent la dysplasie ectodermique hidrotique, dont l’ectodysplasine. Des recherches ont montré que l'ectodysplasine régule le nombre et la forme des dents. Puisque l’ectodysplasine est une protéine sécrétée, il est tentant d’imaginer qu'elle pourrait être employée dans l'avenir pour initier la repousse de nouvelles dents chez des patients édentés.
La dysplasie cléidocranienne est un syndrome affectant les os et les dents, causé par la mutation du gène RUNX2. Le phénotype dentaire est particulièrement intéressant, car il se traduit par des dents surnuméraires et parfois une presque complète troisième dentition. Cela signifie, que nous possédons la capacité de développer une troisième dentition, qui est normalement inhibée par RUNX2. Ces informations, auxquelles s’ajoutent celles de souris mutées pour le gène RUNX2, ne pourraient-elles pas êtres utilisées pour induire une nouvelle dentition ?
2) CELLULES SOUCHES ET TISSUS DENTAIRES
Un deuxièmement domaine intéressant de recherche concerne les cellules souches, et plus particulièrement les cellules souches adultes dont certaines présentent une grande plasticité cellulaire. Ces cellules sont capables de changer de directions de différenciation selon des signaux environnementaux et être ainsi programmées pour un autre destin.
Des cellules capables de former de la dentine lorsqu’elles sont transplantées dans un muscle ont été identifiées dans la pulpe dentaire humaine. Ces cellules pourraient fournir le tissu capable de « fabriquer » des tissus dentaires par bioingénierie. Des résultats obtenus chez la souris par le groupe de Paul Sharpe à Londres montrent que des ébauches de dents peuvent être formées in vitro à partir de cellules souches non dentaires et former après implantation chez l’adulte des dents complètes. Pamela Yelick et ses collaborateurs à Boston ont permis, par ingénierie tissulaire, le développement de dents à partir de cellules de germes dentaires cultivées sur des supports biodégradables.
En conclusion, ces nouvelles avancées dans la biologie du développement dentaire, des cellules souches et de l'ingénierie tissulaire montrent l’émergence de stratégies thérapeutiques d'avant-garde qui devraient à l’avenir remplacer la dentisterie classique par une dentisterie régénératrice.
GLOSSAIRE:
Régénération : Reconstitution des structures et des fonctions d’un organe, d’un tissu, dont une partie plus ou moins importante a été éliminée, que se soit par chirurgie, à la suite d’un traumatisme ou d’un processus pathologique
Phénotype : caractère physique ou biologique du corps
Cellule souche : celle à l’origine d’un tissus
Plasticité cellulaire : capacité d’une cellule souche d’engendrer non seulement le type de cellules de l’organe dont elle est issue, mais aussi d’autres types d’organes
Différenciation : processus permettant, à partir d’une cellule souche, d’aboutir aux cellules telles qu’on les trouve dans les organes constitués
L’ingénierie tissulaire : ensemble des techniques et méthodes s’inspirant des principes de l’ingénierie et des sciences de la vie pour développer des substituts biologiques pouvant restaurer, maintenir ou améliorer les fonctions des tissus
2 commentaires:
Très intéressant, vous oubliez de citer le Dr Imad About qui en a fait de même : http://www.laprovence.com/article/region/a-marseille-on-fait-pousser-les-dents
http://www.blogotariat.com/node/193985
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