Les traumatismes dentaires et alvéolaires sont des motifs fréquents de consultation en urgence. Ils sont idéalement gérés lorsque le recours à un spécialiste de la cavité buccale est immédiatement possible. En pratique, ces lésions sollicitent dans un premier temps les médecins généralistes dont l'examen doit toujours comporter une inspection de la cavité buccale et des organes dentaires.
Généralités
chez l'enfant (denture temporaire) :
Entre 6 mois et 3 ans, il existe une forte croissance des maxillaires et l'os alvéolaire est peu dense, donc malléable, favorisant les luxations des organes dentaires plutôt que les fractures.
Vers l'âge de 3 ans, les rapports entre l'apex de la dent lactéale et le germe de la dent définitive sont les plus étroits, menaçant de blessure ce dernier.
Entre 3 et 6 ans, les risques ne font que s'accroître lorsque l'enfant est scolarisé. L'os alvéolaire reste malléable, ce qui privilégie toujours les luxations dentaires par rapport aux fractures.
chez l'adulte (denture permanente) :
Les conséquences d'un traumatisme alvéolodentaire sont plus lourdes. Après 12 ans, les lésions sont souvent de type fracturaires ; mais avec l'âge, le vieillissement des tissus parodontaux favorise le retour des luxations quelle que soit la nature du traumatisme.
Examen
Dans un premier temps, le praticien s'enquiert des date, heure et lieu de survenue de l'accident, ainsi que d'une éventuelle perte de connaissance initiale.
Les conditions de survenue ont un rôle déterminant sur les conséquences juridiques et l'indemnisation du préjudice.
Cette étape du diagnostic est délicate chez l'enfant, surtout si celui-ci n'est pas accompagné de proches parents munis du carnet de santé. Effectivement, le traumatisme récent a tendance à rendre les enfants mutiques ou au contraire très agités, donc peu coopérants pour l'interrogatoire comme pour l'examen physique. L'inspection est idéalement réalisée par un spécialiste de la cavité buccale car elle requiert un matériel adéquat : le fauteuil inclinable et le scialytique permettent une excellente inspection de l'ensemble de la bouche, plus difficile pour l'arcade dentaire supérieure.
Ce matériel est rarement disponible chez le médecin généraliste, qui doit examiner le patient en décubitus à l'aide d'une lumière adaptée.
La palpation est un temps de l'examen plus délicat à réaliser, car le patient craint que le praticien ne réveille une douleur qui s'était spontanément atténuée.
Comme pour l'inspection, il est important de ne pas oublier les structures annexes : on recherche un éventuel corps étranger, dentaire ou non, au sein des plaies des lèvres, dont on apprécie également la sensibilité au toucher. Les bases osseuses sont examinées à la recherche d'une fracture associée, par exemple en palpant le bord basilaire mandibulaire ou les condyles dans les deux régions prétragiennes.
Les examens radiologiques sont, le plus souvent, réalisés chez le spécialiste afin d'obtenir une radio panoramique dentaire ou des clichés rétro-alvéolaires.
Cependant, le médecin généraliste peut demander des images en « maxillaires défilés » (incidences obliques qui dégagent en deux clichés les hémimandibules droite et gauche), une « face basse » qui visualise tout l'arc mandibulaire ou une incidence de Blondeau pour mettre en évidence la région centrale de l'arcade maxillaire.
Ne pas oublier :
l'importance de l'interrogatoire pour l'indemnisation éventuelle du patient
la recherche de lésions associées (plaies de la cavité buccale, fractures des maxillaires)
Différentes lésions
ingression dentaire :
Cette lésion est très fréquente chez l'enfant car l'os est fragile.
Si la pénétration est complète, l'absence de dent sur l'arcade peut faire croire à une luxation totale, et c'est le cliché radiographique qui fait le diagnostic de l'ingression. Il importe de préciser les rapports entre la dent ingressée et le germe de la dent définitive dont l'embrochage peut avoir de fâcheuses conséquences sur son évolution.
C'est entre 1 et 3 ans que les rapports entre ces deux organes sont les plus étroits (le sac qui contient le germe est à l'aplomb de l'apex dentaire) et les lésions sont plus préoccupantes.
Quoi qu'il en soit, la surveillance est de mise et la migration spontanée de la dent impactée permet le plus souvent son retour sur l'arcade en quelques semaines à quelques mois.
Il convient d'émettre les plus grandes réserves quant à l'avenir de la dent permanente.
égression dentaire :
Il s'agit bien d'une luxation avec perte des rapports normaux alvéolo-dentaires.
L'inspection retrouve une dent sortie de son alvéole, mobile, associée à une hémorragie au collet gingival.
La présence du caillot sanguin fait obstacle à la réimpaction dentaire tentée par le praticien avant fixation de la dent.
luxation totale :
Ce diagnostic est d'autant plus facile que le patient ou sa famille se présente avec la dent expulsée de son alvéole.
Lorsque la dent n'a pas été retrouvée, il importe de s'assurer qu'elle n'a pas été inhalée par le patient
fracture dentaire :
Devant toute fracture de la couronne, la première préoccupation du praticien est d'éliminer une exposition pulpaire,
Si tel est le cas, il existe, dans cette catégorie de traumatismes, une ouverture de la chambre pulpaire qui fait communiquer celle-ci avec le milieu septique de la cavité buccale.
Principes du traitement
En dehors des considérations techniques du spécialiste, on retiendra que le résultat est d'autant meilleur que le traitement est débuté rapidement. La mise en place dans l'alvéole d'une dent luxée sur les lieux mêmes de l'accident en est probablement le meilleur exemple.
En pratique, plusieurs cas de figures se présentent.
La contusion simple, qui associe une dent stable, non déplacée et sans exposition de la pulpe, est probablement le cas le plus favorable puisqu'il ne requiert pas de soins d'urgence.
Toutes les autres situations nécessitent de réaliser un geste d'emblée :
le déplacement d'une dent doit faire poser l'indication de sa réduction dans les meilleurs délais suivie de la pose d'une contention efficace par le spécialiste;
l'exposition de la pulpe doit faire poser l'indication d'une obstruction du canal en urgence compte tenu du risque infectieux ;
enfin, la luxation complète d'une dent définitive peut être considérée comme une urgence fonctionnelle : pour la majorité des praticiens, la réimplantation doit être tentée quel que soit le délai qui sépare le traumatisme de la possibilité thérapeutique.
La réimplantation d'une dent lactéale n'est pas tentée car le geste est lourd et le risque infectieux secondaire trop grand pour le faible bénéfice attendu.
La question se pose, bien sûr, lorsqu'il s'agit d'une dent permanente, mais le pronostic est différent selon le contexte : les chances de réussite (obtention à 2 mois d'une dent stable et vivante) sont maximales en cas de réimplantation rapide (inférieure à 1 heure) d'une dent dont la racine est entière, chez un individu au bon état buccodentaire et présentant des dents avoisinantes saines ce qui permet un ancrage efficace pour la contention.
Dans tous les cas, le traitement repose sur une réduction de la position de la dent et une immobilisation permettant une surveillance rapprochée.
Pour simplifier :
Ingression dentaire chez l'enfant = ne rien faire, la dent ressortira toute seule
Luxation de dent définitive = conservation dans du lait ou de la salive avant réimplantation rapide (idéalement inférieure à 1h) si racine intacte
Luxation de dent lactéale = pas d'intérêt à la réimplantation
Fracture dentaire = combler rapidement si la pulpe est exposée (douleur++)
Conseils associés
Les consultations régulières de surveillance ont également pour objectif de rappeler quelques conseils importants :
Une alimentation molle doit être maintenue tant que la dent est mobile afin d'éviter des forces inutiles appliquées sur la dent
L'hygiène bucco-dentaire ne doit pas être négligée du fait de l'appareil de contention et entretenue par un brossage doux avec une brosse à dent adaptée. Par ailleurs, des bains de bouche doivent être réalisés après chaque repas.
A quoi le patient doit-il faire attention après un traumatisme dentaire ?
manger mou.
soigner son hygiène buccodentaire.
Prévention:
Elle se limite à la pratique des sports. Beaucoup d'entre eux ne requièrent pas de protection dentaire, même en compétition : c'est le cas du cyclisme, du patinage ou de l'équitation où le casque ne protège que le crâne et pas la face. Dans les sports de ballon ou de combat, le port de protège-dents est préconisé voire obligatoire, et les différentes études mettent en évidence la nette supériorité des protections personnalisées réalisées par des odontologistes sur les protections thermoformées du commerce.
Références:
Tardif A., Misino J., Péron J-M. Traumatismes dentaires et alvéolaires. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Stomatologie, 22-067-A-05, 2004.
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Andreasen J.O., Andreasen F.M. Essentials of traumatic injuries of the teeth. Copenhagen : Munksgaard International Publishers, 1990
Bourgeois A. Données récentes sur les traumatismes dentaires des dents permanentes : du diagnostic au traitement.1999 ; [thèse pour le doctorat en chirurgie dentaire], Lille n°99 LIL2 D050.
Gere E., Bardel P., Guittard J. Conduite à tenir devant un traumatisme-alvéolodentaire chez un sportif. Rev Laryngol Otol Rhinol 1997 ; 118 : 331-333
Yam A.A., Diop F., Faye M., Tamba-Ba A., Ba I. Les complications des traumatismes des dents temporaires : évaluations clinique et radiographique. Perspectives de prise en charge et de prévention : à propos de 4 cas. Odont Stomatol Trop 2000 ; 89 : 5-9
lundi 8 mars 2010
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