jeudi 16 juillet 2015

L'allergie au cabinet dentaire



L'allergie en cabinet dentaire est une des hantises de tout praticien. Les allergies aux antibiotiques et aux anesthésiques locaux préoccupent surtout l'odontologue, tandis que l'allergie au latex concerne davantage le chirurgien. La prévention doit être systématique, notamment l'étude des antécédants.

La réaction allergique constitue un des liens qui existent entre l'affection bucco-dentaire et la pathologie générale. Ce lien est illustré d'une part par le rôle de l'infection dentaire dans le déclenchement ou l'entretien de nombreuses lésions muqueuses et chroniques, d'autre part par l'effet secondaire des médicaments ou des produits dentaires.
Pour faire le tour de la question, nous rappellerons la physiopathologie de la réaction allergique.
Les principales manifestations allergiques pouvant intéresser le chirurgien dentiste seront ensuite présentées, ainsi que la conduite à tenir générale et particulière selon les situations diverses.

 Physiopathologie des réactions immuno-allergiques

La classification classique des réactions immuno-allergiques a été décrite par Gell et Comb depuis 1968. Ces auteurs identifient 4 types simples de réactions immunologiques. Ce sont : l'anaphylaxie (type D, l'hypersensibilité cytotoxique (type II), l'hypersensibilité aux complexes immuns (type III) et l'hyper-sensibilité à médiation cellulaire (type IV).

Les réactions de type I, II, sont liées à la présence. d'anticorps humoraux. Le type I et le type III sont IgE dépendants. Ce qui suppose au moins un premier contact sensibilisant. Le type IV se caractérise par une réponse allergique par médiation cellulaire faisant intervenir les lymphocytes.

La détermination du type d'allergie fait intervenir une série d'examens complémentaires. Les plus courants sont les tests épicutaltés, les prick tests pour un diagnostic immédiat, l'intra-demoréaction (IDR) pour les allergies immédiates ou retardées, les patch-tests principalement pour les allergies retardées et les tests de prvocation avec un anesthésique local. Les examens de laboratoires sont faits (le préférence par un laboratoire spécialisé. Ces tests sont idéalement conduits par un allergologue.


Parmi l'arsenal thérapeutique utilisé par le chirurgien dentiste, certains produits plus que d'autres font craindre une réaction allergique. Ainsi, la réaction allergique médicamenteuse implique une vigilance continue lors des administrations et des prescriptions en odontologie.

Les allergènes

Les allergènes incriminés sont de trois types :

Les pneumallergènes : 

Ce sont les allergènes pénétrant dans l'organisme par la voie respiratoire. Ils sont représentés avant tout par la poussière de maison, les acariens dermatophagoïdes ptéronyssinus et farinae surtout, les pollens de graminées, de plantes, de fleurs, d'arbres, les squames et poils d'animaux. Ils sont surtout responsables de manifestations extra-buccales (choc, urticaire, oedème de Quincke, rhinite, asthme, conjonctivite, voire syndrome néphrotique...).

Les allergènes mycosiques

Les dcrmatophytes, candida albicans, sont deux espèces de champignons se développant aisé-ment sur la peau. Les premières n'atteignent pas les muqueuses et les organes internes, contrairement aux secondes, qui résident au niveau des muqueuses buccales, digestives, respiratoires, génitales ; ceci sans qu'il y ait nécessairement de symptomatologie clinique. Les manifestations allergiques à dermatophytes ou à candida albicans sont nombreuses: manifestations respiratoires (rhinite, asthme) manifestations oculaires, et manifestations cutanées.

Les allergènes microbiens


Les allergènes microbiens évoquent le débat entre manifestations dites allergiques et infection odonto-stomatologique. La guérison de manifestations cutanées chroniques (urticaire chronique, oedème de Quincke, aphtose récidivante, eczéma, dysidrose, et même prurigo. vascularite, pelade, acné rosacé, pustulose palmo-plantaire) a été parfois rapportée dans la littérature, après des soins dentaires.



Les allergies médicamenteuses en pratique quotidienne

LES ANTIBIOTIQUES

Deux fois sur trois les antibiotiques sont à l'origine de réaction allergique.
La pénicilline est responsable de la majorité des réactions allergiques mais, paradoxalement. elle reste l'antibiotique le plus prescrit en odontologie.
Les manifestations vont du simple prurit jusqu'au choc anaphylactique (0,05% à 0,15% des patients allergiques à la pénicilline développeraient une réaction anaphylactique, fatale chez 10 % d'entre eux).
Des antécédents de réaction aux pénicillines suggèrent un grand risque d'anaphylaxie, mais il n'existe pas de méthode de prédiction. En fait, l'incidence est fonction du mode d'administration: 5 à 10% des patients développent des manifestations après application topique, 1 à 2% après injection intramusculaire et 0,1°/0 après administration orale.
Ainsi, cette dernière forme d'administration sera. dans la mesure du possible, préférable.

Cependant, un patient ayant déjà été exposé à cet antibiotique sans aucune manifestation peut brusquement développer une réaction anaphylactique aiguë.

L'absence d'antécédent réduit les chances d' un accident anaphylactique mais ne permet pas d'en exclure totalement la possibilité.


LES ANESTHÉSIQUES LOCAUX

La majorité des solutions anesthésiques contiennent quatre composants potentiellement allergogènes : l'anesthésique par lui-même, le vasoconstricteur, l'antioxydant (bisulfite de sodium) et le conservateur (parabens, sulfites). Les réactions allergiques  vraies sont exceptionnelles (anaphylaxie, choc anaphylactique. hypotension, détresse respiratoire soudaine. détresse cardio-vasculaire ou collapsus, oedème, crise d'asthme).
Les incidents bénins, mais à symptomatologie parfois bruyante, sont bien plus fréquents. Pour poser le diagnostic d'allergie vraie, il faut que l'injection soit suivie dans les 30 minutes au plus. d'un prurit et d'un urticaire plus ou moins généralisé.

LES ANALGÉSIQUES

Parmi les molécules analgésiques, l'aspirine et la codeine sont les plus incriminées. Une gastrite ou un ulcère prédisposant aux nausées, vomissements, dyspepsie et ulcération sont les manifestations les plus courantes. Cependant, 2 patients sur 1000 sont réellement allergiques aux salicylés.
Rappelons que l'aspirine chez le patient asthmatique peut provoquer des réactions sévères de type bronchospasme aigu par exemple.

LES AGENTS TOPIQUES

Les bains de bouche, dentifrices à base de composés phénols, et certains agents de saveur sont connus pour être à l'origine de réactions intéressant les muqueuses buccales et les lèvres. L'hypersensibilité des antiseptiques locaux n'est pas exclue. La polyvidone iodée a la pré-valence la plus élevée parmi les réactions allergiques des antiseptiques locaux.


Les allergies aux produits dentaires

Les produits dentaires les plus incriminés dans les réactions d'hypersensibilité sont les métaux, les résines, les amalgames et les poudres adhésives pour prothèse.

• Les métaux 

Les observations d'hyperallergie à certains métaux utilisés en art dentaire sont rares. Cependant, il est jugé préférable d'éviter de placer une obturation ou une prothèse métallique chez les sujets sensibilisés au chrome, au nickel ou au cobalt.

• Les résines métalliques 

Une fois une cause traumatique mycosique ou infectieuse écartée, un érythème muqueux oedémateux ou lisse dessinant la prothèse amovible évoque une intolérance à la plaque base en résine.
Le diagnostic "d'allergie" sera confirmé par la pratique de tests localisés au niveau du dos ou de la muqueuse buccale avec les produits incriminés.
Selon certaines études, ce sont les additifs tels que les stabilisants, les catalyseurs, les émulsionnants et surtout les colorants qui sont davantage responsables de cette intolérance.

• Les amalgames 

Les amalgames utilisés en dentisterie se composent de limaille et de mercure.
Quelques cas d'oedèmes de Quincke, d'urticaire, d'eczéma généralisé de stomatite ou de xérostomie ont déjà été observés. Ces manifestations surviennent le plus souvent dans 24 heures qui suivent l'obturation.
Les sujets ayant des antécédents d'allergie au mercurochrome ou au mercure sont des sujets à risque atopique.
Parfois. l'expression clinique est bâtarde et c'est la connaissance des antécédents du patient qui conduira à pratiquer un test épicutané à l'amalgame ancien et récent. Des tests positifs permettent de confirmer la causalité.

• L'allergie au latex 

L'hypersensibilité immédiate au latex est une affection IgE dépendante qui survient avec une plus grande fréquence chez les personnels dentaires qui sont touchés à 15%. Le diagnostic est principalement fondé sur les antécédents médicaux et les manifestations cliniques.

Espérance Médicale • Special Dentaire • Octobre 2000 • Tome 7 • N° 17

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