lundi 4 décembre 2017

MANIFESTATIONS BUCCALES DES HÉMOPATHIES


INTRODUCTION






 


Une lampe de poche au faisceau homogène, un abaisse-langue et deux ou trois compresses : ainsi peut débuter l'inventaire des manifestations buccales des hémopathies.
Mais si l'examen buccal d'un malade permet quelquefois au médecin praticien de poser un diagnostic formel (cela est vrai pour la rougeole, la scarlatine, etc.), ce n'est jamais, ou presque jamais, le cas des affections hématologiques. Les symptômes buccaux rencontrés n'ont aucun caractère pathognomonique. Pourtant leur valeur évocatrice est suffisante pour alerter le praticien et doit faire mettre en oeuvre les examens complémentaires conduisant au diagnostic hématologique. Il faut savoir que certains signes buccaux peuvent précéder de longtemps les manifestations cliniques générales des hémopathies ; une gingivorragie, par exemple, témoin d'une thrombopénie, peut précéder de plusieurs semaines le tableau complet d'une leucémie aiguë ; une glossite, une perlèche, peuvent rester longtemps les seuls éléments d'une anémie chronique.
Un diagnostic rapide, suspecté sur ces manifestations précoces, permet évidemment les meilleurs résultats thérapeutiques. Mais les lésions buccales font également partie du tableau clinique de la période d'état des hémopathies ; elles permettent alors d'en apprécier plus ou moins fidèlement l'évolution. Enfin, d'autres lésions sont directement liées aux traitements des hémopathies ; elles doivent être guettées et reconnues car leur constatation peut influencer grandement la thérapeutique.

MANIFESTATIONS BUCCALES DES HÉMOPATHIES DE LA SÉRIE BLANCHE

Les agranulocytoses.
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La diminution, voire la disparition des leucocytes polynucléaires dans le sang reconnaît des causes multiples réalisant un tableau agranulocytaire, plus précisément neutropénique, où les lésions buccales, ulcéro-nécrotiques, sont extrêmement fréquentes et assez caractéristiques.
Le type en est l'agranulocytose pure de Werner Schultz, affection idiopathique primitive dont l'observation est tellement exceptionnelle qu'elle est contestée dans sa réalité, mais dont la description recouvre parfaitement le tableau clinique des agranulocytoses aiguës secondaires, de plus en plus fréquentes. Le début est brutal, marqué par une fièvre à 40°. La symptomatologie est presque exclusivement buccale et pharyngée. L'examen précoce des muqueuses buccales reconnaît une phase érythémateuse éphémère suivie de l'apparition d'un enduit pseudo-membraneux évoquant une diphtérie par son siège initial amygdalien et vélaire, et sa rapide extension. En quelques heures se constituent les lésions caractéristiques : ulcérations arrondies à fond sanieux, sphacélique, s'étendant rapidement et se multipliant, intéressant outre les amygdales et le voile, la face interne des joues, les gencives, les .lèvres, mais aussi le rhino-pharynx et la glotte. Ces lésions sont creusantes et l'extension en profondeur a pu aboutir à des nécroses osseuses avec séquestration, à des pertes de substance perforant la joue (noma).

Toutes ces lésions s'accompagnent de manifestations fonctionnelles extrêmement pénibles : dysphagie, sialorrhée, fétidité de l'haleine.

— Les agranulocytoses pures sont pour la plus grande part d'origine toxique, certaines professionnelles, mais également médicamenteuses ; les causes d'agranulocytose augmentent encore par la multiplication des sources de radiations ionisantes, indus
trielles, militaires ou médicales.

A côté des formes aiguës d'emblée d'agranulocytose, il existe des cas à début moins brutal, insidieux même ; il convient d'y penser et d'être particulièrement vigilant chez les sujets soumis à un risque toxique pour ne pas passer à côté des premiers signes buccaux suspects : petite plage ischémique qui se nécrose et laisse une ulcération peu hémorragique, pratiquement sans réaction inflammatoire ganglionnaire satellite.

Les neutropénies cycliques, périodiques et chroniques.

Il faut rapprocher des agranulocytoses des affections au mécanisme encore mal connus. Ainsi la neutropénie primitive avec splénopégalie, la neutropénie chronique de l'enfant, enfin le groupe des neutropénies cycliques dont le rythme des crises est de 14 à 28 jours.

Les ulcérations buccales aphtoïdes affectant les gencives, la face interne des joues, les lèvres et la langue constituent l'essentiel du tableau clinique commun à ces affections, les poussées fébriles et infections diverses en sont un volet inconstant, mais redoutable. La guérison clinique accompagne la guérison hématologique.

Les leucémies.


La symptomatologie buccale de la période d'état s'est grandement modifiée du fait des progrès thérapeutiques acquis ces 10 dernières années, mais une symptomatologie nouvelle est née de ces mêmes traitements. Surtout les leucémies peuvent rester longtemps paucisymptomatiques et les signes buccaux en particulier péuvent être rencontrés isolément ou associés à une symptomatologie générale très fruste : asthénie, pâleur, fébricule.

Les leucémies chroniques, myéloïdes ou lymphoïdes, :

s'accompagnent rarement de signes buccaux, sauf lors des transformations aiguës habituellement terminales. On a noté cependant des tuméfactions parotidiennes type Mickulicz quelquefois prémonitoires.

Les leucémies aiguës;

La symptomatologie stomatologique est riche, et reconnaît des modalités variées.

LÉSIONS LEUCOSIQUES SPÉCIFIQUES

Il s'agit de l'infiltration des tissus par les cellules leucémiques. La sphère stomatologique offre à l'observateur le signe précoce le plus fréquent des leucémies : les adénomégalies cervicales. On observe aussi avec une certaine fréquence une infiltration des glandes parotides assez difficile à distinguer des adénopathies parotidiennes. Enfin 80 % des atteintes méningées leucémiques se manifestent par une paralysie faciale. Mais surtout l'infiltration des gencives, habituelle dans les leucémies monoblastiques, assez fréquente dans les autres formes, réalise une gingivite hypertrophique (fig. 1, 2, 3) caractérisée par une tuméfaction importante du bord libre des gencives, surtout des languettes interdentaires, diffuse, vestibulaire et linguale, intéressant les deux arcades, pouvant masquer les dents.



Au début, la muqueuse est rose pâle et ferme ; les douleurs sont pratiquement nulles. Il convient alors d'éliminer les autres hyperplasies gingivales : le scorbut, rare, gencives tuméfiées, et molles, saignantes, dents mobiles ; l'hyperplasie à la Diphénylhydantoïne ; l'hyperplasie de la grossesse, les paradontites ; les hyperplasies d'origine osseuse.










Mais rapidement apparaîtront sur ces gencives hypertrophiées des ulcérations nécrotiques, puis hémorragiques. Ces ulcérations nécrotiques sont souvent le fait d'un syndrome neutropénique associé à la leucémie. Mais il s'agit aussi quelquefois de nécrose ischémique par thrombose vasculaire locale, du fait de la prolifération cellulaire leucémique (fig. 4 et 5).








LES ODONTALGIES LEUCÉMIQUES

Les douleurs osseuses et articulaires sont au premier plan des signes révélateurs des leucémies, mais également précoces et trompeuses, certaines algies dentaires sans cause apparente se sont révélées liées à l'infiltration de la pulpe dentaire par les cellules blastiques. Là encore il convient de distinguer cette lésion leucémique directe, des infections dentaires secondaires à la neutropénie.

LÉSIONS INDIRECTEMENT LIÉES A LA LEUCOSE

L'ANÉMIE est un syndrome presque constant. La pâleur des muqueuses buccales, leur décoloration suit assez fidèlement le degré de l'anémie ; elle est le plus souvent très intense (de un à deux millions de globules rouges). Sur le plan général elle provoque l'asthénie, les vertiges, l'essoufflement.

LA THROMBOPÉNIE détermine un syndrome hémorragique dont la traduction buccale est double. D'abord des gingivorragies dont il faut savoir qu'une première poussée isolée peut précéder de quelques semaines la manifestation des autres signes de la leucémie ; c'est un suintement intarissable de sang un peu pâle au niveau de la sertissure gingivale du collet des dents. Puis des taches purpuriques disséminées ou groupées en n'importe quel point de la muqueuse buccale, mais surtout aux gencives, aux joues, au voile du palais (fig. 6 et 7).





LA NEUTROPÉNIE était responsable des manifestations buccales les plus bruyantes des leucémies avant l'utilisation des antibiotiques, reproduisant en tous points de la muqueuse buccale les ulcérations ulcéro-nécrotiques extensives des agranulocytoses. La fréquence des ulcérations dues à la neutropénie des leucémies semble bien avoir diminué, mais son incidence sur l'évolution des lésions inflammatoires diverses
habituellement banales (accident d'évolution des dents de sagesse, granulomes apicaux, parodontose) pose au stomatologiste de difficiles problèmes.

LÉSIONS DIRECTEMENT LIÉES A LA THÉRAPEUTIQUE

 Les dix dernières années ont vu s'affirmer les pro-grès considérables du traitement des leucémies par la multiplication des chimiothérapies et la mise au point des poly-chimiothérapies antimitotiques. Mais pratiquement l'obtention des rémissions se fait au prix de périodes plus ou moins longues d'aplasie médullaire, souvent très profonde. La couverture antibiotique de ces traitements permet habituellement d'éviter l'apparition des ulcérations buccales neutropéniques. Cependant certains produits, et tout spécialement les antifoliques sont responsables d'atrophie de la muqueuse labiale et juguale, aboutissant à la constitution d'ulcérations superficielles arrondies ou ovalaires à fond blanchâtre ou gris jaunâtre, cernées d'un liséré rouge, souvent très douloureuses, quelque-fois hémorragiques. Ces lésions sont le reflet direct de l'arrêt mitotique et distinctes en cela des ulcérations nécrotiques de l'agranulocytose. Elles sont très importantes à reconnaître car elles précèdent de peu les manifestations toxiques générales des antifoliques et plus spécialement les hémorragies digestives. Elles commandent le changement de drogues sinon l'arrêt du traitement (fig. 9).





La corticothérapie est toujours largement utilisée dans le traitement des leucémies. Elle est responsable des bouffissures du visage se traduisant en bouche par l'oedème des joues et de la langue.

LÉSIONS INDIRECTEMENT LIÉES A LA THÉRAPEUTIQUE

 Il s'agit essentiellement des candidoses buccales dont l'observation, déjà fréquente dans l'évolution des leucémies non traitées, est devenue la règle sous l'influence de l'antibiothérapie, de la corticothérapie et des chimiothérapies. Ces candidoses prennent l'aspect soit d'une langue noire pileuse, soit d'un muguet extensif, tapissant la langue, les joues, les gencives et le palais.

TRAITEMENTS DES LÉSIONS BUCCALES DES LEUCÉMIES

Les ulcérations neutropéniques cèdent au traitement antibiotique ; les ulcérations par infiltration blastique peuvent céder au traitement chimiothérapique ; au contraire les ulcérations des antimitotiques ne cèdent qu'à l'arrêt du traitement, en tout cas de la drogue causale. Il reste cependant dans tous les cas à mettre en oeuvre un traitement antiseptique local (bains de bouche et collutoires) et à aider l'alimentation en protégeant les muqueuses buccales par un pansement (nous utilisons les pansements gastriques) quelque-fois anesthésique. Les candidoses requièrent un traitement antifongiques intense et prolongé local et général.

La mononucléose infectieuse.

Improprement appelée angine à monocytes, c'est une affection bénigne pouvant en imposer pour une leucémie aiguë, mais il n'y a jamais d'anémie. Les lésions bucco-pharyngées sont de types variés, soit simplement érythémateuses ou erythémato-pultacées, quelquefois
ulcéro-nécrotiques. Leur siège de prédilection est amygdalien. La guérison spontanée sur-vient en 15 à 20 jours.

La maladie de Burkitt.

Décrit en 1958 par Burkitt ce lymphome malin frappe avec prédilection les maxillaires et tout particulièrement le maxillaire supérieur. Le premier signe, chez l'enfant, est la chute prématurée des molaires temporaires, et plus généralement la chute sans cause apparente des dents. Puis se dévoloppe rapidement une volumineuse tuméfaction de la mâchoire. La gencive est longtemps normale. La radiographie met en évidence d'abord la disparition de la lamina dura des alvéoles dentaires, de petits foyers radioclaires, ceci avant même les manifestations cliniques, puis une image d'ostéolyse étendue, par coalescence des petits foyers. La prolifération cellulaire infiltre les tissus de soutien des dents et même la pulpe dentaire.

Les plasmocytomes.


En dehors de la maladie de Kahler ou myélome multiple, il existe des cas où le foyer osseux est unique, c'est le plasmocytome solitaire des os, d'autres plus fréquents où la tumeur se développe dans les tissus mous, c'est le plasmocytome extra-médullaire. Au niveau des maxillaires le plasmocytome solitaire devra être distingué d'une ostéomyélite, d'un kyste, d'un épithélioma ou d'un sarcome, surtout d'un amélo-blastome ou d'une tumeur à myéloplaxes.

Dans les tissus mous, le plasmocytome affecte les gencives réalisant une hypertrophie lisse ou bourgeonnante, localisée ou diffuse. Le diagnostic des plasmocytomes solitaires est rarement clinique mais histologique. La difficulté est de pouvoir affirmer l'unicité du foyer pour en fixer le traitement et le pronostic, en principe meilleur que pour la maladie de Kahler.

L'amyloïdose buccale

Nous ne retiendrons des amyloïdoses que la variété « péri-collagène » secondaire, type Lubarsch-Pick, dont la constatation est tellement liée à la maladie de Kahler qu'elle impose d'en rechercher les signes. Cette infiltration systématisée de matière amyloïde affecte la peau, les muscles et les muqueuses et tout particulièrement la langue. Elle réalise une macroglossie caractéristique. L'augmentation de volume de la langue est tantôt progressif, tantôt brusque, par poussées ; la gêne fonctionnelle est rapidement impor-tante. La langue peut atteindre un volume énorme et déborder hors des arcades dentaires ; ses bords sont très infiltrés, semés de nodules arrondis ; sa face dorsale est parsemée de petits éléments papuleux de teinte blanche ou blanc-rosé (cire vierge). C'est alors que des pétéchies, des ecchymoses, des ulcérations peuvent se surajouter aux éléments caractéristiques. La langue est soit d'une dureté ligneuse, soit mollasse, permettant la palpation des nodules pro-fonds.

MANIFESTATIONS BUCCALES DES AFFECTIONS DE LA SÉRIE ROUGE

Les anémies.

Quelle que soit leur cause, les anémies ont en commun un symptôme constant, la pâleur. La décoloration des muqueuses buccales et de la gencive permet d'évaluer assez fidèlement l'intensité de l'anémie. Il faut cependant noter que les lèvres, comme les pommettes, peuvent rester paradoxalement colorées.
Certains caractères sont assez particuliers aux grands syndromes anémiques.

Les anémies hypochromes sidéropéniques.

Les causes les plus fréquentes des anémies hypochromes sidéropéniques sont les hémorragies digestives, génitales ou nasales, ou encore multiples par troubles de la crase sanguine. Il existe une symptomatologie propre à l'hyposidérémie, en principe liée à la durée de l'insuffisance en fer, donc assez tardive. Il s'agit essentiellement d'une atrophie muqueuse diffuse. La muqueuse est très pâle, mince, souvent sèche, présentant de petites érosions ou ulcérations aphtoïdes au niveau de la pointe et des bords de la langue; de la face interne des joues. La langue peut être dépapillée ; mais surtout il existe une perlèche et des fissures labiales se prolongeant par de fines rhagades cutanées (fig. 10)


 Cette association (glossite cheïlite angulaire) se retrouve dans l'anémie de Hayem-Faber, mais l'atrophie des muqueuses atteint l'ensemble du tube digestif, déterminant une dysphagie spasmodique douloureuse décrite par Kelly et Patterson et plus connue sous le nom de Plummer-Vinson.

L'anémie hyperchrome mégalocytaire.

(Anémie pernicieuse d'Addison-Biermer). Cette affection, dont la fréquence diminue, est très rare avant 30 ans. La pâleur y est intense, affectant bien entendu les muqueuses buccales (lèvres, gencives). Mais surtout, les atteintes digestives y sont fondamentales en particulier l'atrophie linguale réalisant dans sa forme diffuse la glossite de Hunter (fig. 11). Précédée ou  non d'un stade oedémateux, l'atrophie linguale s'installe progressivement ; la langue est bientôt lisse, dépapillée par disparition des papilles filiformes mais souvent aussi des papilles fungiformes. La muqueuse prend un aspect vernissé brillant, rose pâle. Elle paraît sèche du fait que les papilles absentes ne retiennent pas la salive. Cette dépapillation globale permet de la distinguer des glossites dyspeptiques qui n'affectent que la moitié antérieure de la langue et présentent une teinte plus foncée, et des autres glossites dépapillantes en aires (glossites exfoliatrices marginées, glossites losangiques médianes, plaques fauchées syphilitiques, glossites de Moeller, glossites allergiques ou irritatives.) La langue peut présenter des lésions vésiculeuses ou ulcéreuses douloureuses et brûlantes au contact des aliments.




Cette glossite de Hunter constitue un des signes les plus précieux de la maladie de Biermer. Elle apparaît à un moment quelconque de l'évolution, quelquefois très précoce et même révélatrice de l'affection. L'atro-phie linguale n'est cependant qu'une partie de l'atro-phie généralisée de toute la muqueuse du tube digestif que la gastroscopie permet d'observer par exemple au niveau de la muqueuse gastrique.

Les anémies hémolytiques.

Les hémoglobinoses (drépanocytose et thalassémie) et la maladie de Minkowski-Chauffard (ictère hémolytique congénital) ont en commun la pâleur, un subictère et plus particulièrement des manifestations osseuses, algiques pouvant simuler l'ostéomyélite ou un rhumatisme, et radiologiques assez caractéristiques. Ces lésions osseuses affectent avec prédilection le crâne, donnant entre les corticales épaissies des images de stries en poils de brosse. Dans la thalassémie on trouve un front élargi, des pommettes saillantes, et une prognathie du maxillaire supérieur. Surtout des travaux récents ont montré qu'avant même les grandes déformations squelettiques évidentes, le diagnostic pouvait être évoqué sur des radiographies dentaires ou apparaît une trabéculation élargie, lâche, de l'os alvéolaire.

La maladie hémolytique du nouveau-né (érythro-blastose foetale), est susceptible de provoquer du fait de l'intensité de l'ictère, des modifications de la teinte des germes dentaires. Cette coloration grise ou verte de la denture lactéale reste un stigmate de l'affection.

Les porphyries : à côté des maladies hémolytiques une affection rare, la porphyrie congénitale, maladie biochimique de la synthèse de l'hémoglobine réalise des colorations des dents temporaires allant du rose au marron.

Les polyglobulies.

L'augmentation du nombre des globules rouges du sang peut être secondaire (cardiopathies cyanogènes, broncho-pneumopathies chroniques, cancer à cellules claires du rein, thalassémie) ou essentielle (maladie de Vaquez).
La muqueuse buccale participe à l'érythrose faciale des polyglobulies (fig .12) ; elle n'en mesure pas l'intensité. La teinté de la muqueuse est plus volontiér violacée que rouge dans les polyglobulies secondaires. La diffusion à touffe la muqueuse buccale et la couleur rouge pourpre du, voile du palais permet à coup sûr de distinguer l'érythrose polyglobulique de la maladie de Vaquez des faciès érythrosiques dus à la vie au grand air ou à l'alcoolisme.




HÉMOPATHIES HÉMORRAGIPARES

Les syndromes hémorragiques se manifestent à l'examen buccal sous deux aspects, hémorragies libres et hémorragies sous muqueuses, comportant chacune de nombreuses variétés.
— Les hémorragies libres (stomatorragies) peuvent être provoquées ou spontanées, localisées ou diffuses, intarissables ou répétées, elles peuvent provoquer la formation de caillots volumineux encombrant la bouche et les voies aériennes supérieures.
— Les hémorragies sous muqueuses ou purpuras (taches rouges) vont des hémorragies ponctiformes (pétéchies) aux larges tâches bleues des ecchymoses. L'infiltration des tissus mous constitue des hématomes à distinguer des oedèmes, des cellulites, voire des tumeurs.

Hémorragies par altérations vasculaires.

Syndrome de Schoelein-Henoch ou purpura rhumatoïde. Ce purpura fréquent chez l'enfant est remarquable par son caractère pétéchial. Il n'y a pas de gingivorragies ce qui le distingue du purpura des thrombopénies. il existe une forme aiguë de purpura isolé, une forme aiguë allergique avec association d'urticaire et d'oedème, une forme chronique enfin propre à l'adulte. La recherche de foyers infectieux dentaires, sources d'allergènes, est de règle ; leur éradication a quelque-fois entraîné la guérison de l'affection.

Les purpuras infectieux.

Le purpura est pétéchial dans les formes aiguës, sans hémorragie muqueuse, mais ecchymotique et extensif quelquefois hémorragique dans les formes suraiguës (purpuras fulminans).

Maladie de Rendu-Osler (angiomatose hémorragique familiale).

Les hémorragies des muqueuses sont les premières et longtemps les seules manifestations de cette maladie héréditaire, leur répétition attire l'attention et fait rechercher les télangiectasies cutanées et muqueuses caractéristiques. Simples dilatations capillaires punctiformes ou linéaires, angiomes stellaires ou nodules pathognomoniques, arrondis et saillants, de quelques millimètres de diamètre, de teinte rouge vif ou un peu violacé. Ces trois éléments peuvent coexister ; ils pâlissent ou s'effacent à la vitropression. Leur siège le plus fréquent est l'ourlet cutanéo-muqueux des lèvres, mais on en trouve sur la face dorsale de la langue, la face interne des joues, les gencives, la muqueuse vélo-palatine et la paroi pharyngée. Les lésions cutanées sont essentiellement faciales (joues, menton, front, nez, paupières).

Les insuffisances plaquettaires.

Leur symptomatologie buccale est commune à toutes les variétés, associant un purpura disséminé, pétéchial et ecchymotique, à des gingivorragies. Le purpura thrombopénique aigu peut associer en outre des bulles sanglantes de taille variable (J. Bernard et Nenna) (fig .13).



Les thrombopénies.

Des gingivorragies sont fréquentes avec un nombre de plaquettes peu abaissé (de l'ordre de 150 000) par contré des thrombopénies très profondes peuvent ne pas se manifester cliniquement et se révéler par une hémorragie sévère à l'occasion d'une intervention banale.

Les thrombopathies.

Ce sont des affections familiales dont la plus connue est la thrombasthénie de Glanzman. Si la sympto-matologie buccale est celle de toutes les insuffisances plaquettaires (purpura pétéchial et ecchymotique, gingivorragies) le risque hémorragique en cas d'intervention est majeur. voire mortel.


Les hémophilies.


Les hémophilies A et B, par défaut de facteur prothromboplastique VIII ou IX, ont les mêmes caractères cliniques à savoir la répétition d'hémorra-gies graves, prolongées, incoercibles, toujours provoquées mais souvent par des traumatismes très minimes.

Les hémorragies de la muqueuse buccale.
sont fréquentes chez le petit enfant par déchirure du frein de la lèvre supérieure, plaie de la langue (morsure banale en tombant).
Nous déconseillons la coagulation de la plaie qui donne une escarrhe étendue dont la chute entraîne une récidive de l'hémorragie encore plus sévère. Toutefois l'électro-coagulation sur pince très fine des points hémorragiques après essuyage de la plaie peut rendre de grands services. La suture au catgut très fin doit être complétée d'un tamponnement compressif prolongé avec adjonction de thrombine en poudre.

Les hémorragies dentaires extrêmement fréquentes, inéluctables même puisqu'elles débutent par la chute spontanée des dents temporaires sont quelquefois révélatrices de la tare. L'hémorragie peut précéder de long-temps la chute de la dent ou son avulsion et paraître au premier abord spontanée ; en fait la mobilité de la dent suffit à traumatiser la gencive au niveau le plus souvent d'une racine très résorbée ou au bord cervical d'une carie. Chute spontanée ou avulsion réglée, le traitement des hémorragies dentaires fait appel à l'hémostase locale à l'aide de petites gouttières en matière plastique, de thrombine et de gaze résorbable.

Les hématomes buccaux sont particulièrement grave par le risque d'asphyxie qu'ils entraînent. Ils siègent dans le plancher buccal, la base de la langue (suites d'avulsions délabrantes, dérapages lors de soins, dentaires) ou la joue et la paroi pharyngée (anesthésie régionale à l'épine de Spix).

La maladie de Willebrand
associe un allongement du temps de saignement et un défaut en facteur anti-hémophilique A (facteur VIII). Cliniquement, cette maladie associe un purpura ecchymotique des muqueuses buccales, surtout des gingivorragies spontanées incessantes (photo 14), une certaine prédilection pour des hémorragies amygda-liennes également spontanées, enfin un risque hémorragique en cas d'intervention, comparable à celui des hémophilies.




CONCLUSIONS

S'il ne suffit plus aujourd'hui comme aux médecins de Molière de faire tirer la langue aux malades, il convient de ne pas négliger pour autant l'examen de la bouche, et de savoir rapporter aux grands syndromes, hématologiques en particulier, la symptomatologie souvent fruste ou bâtarde qui leur revient.



LA REVUE DU PRATICIEN


11-21 JUILLET 1970

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