samedi 28 mai 2011

Les allongements coronaires ou élongations coronaires



* Introduction :

Les allongements coronaires ou élongations coronaires sont des procédures chirurgicales particulièrement fiables si elles sont bien maîtrisées. En effet, de nombreux paramètres sont à respecter afin d’obtenir une restauration conservatrice ou prothétique optimale. Ces actes d’allongements coronaires sont en général réalisés pour restaurer la physiologie du sulcus suite à un délabrement coronaire sous-gingival ou suite à des impératifs esthétiques (alignement des collets par exemple). Ils constituent souvent une alternative aux extractions ou à des traitements plus lourds et coûteux, comme par exemple, une restauration prothétique implanto-portée.


* Principes :



1. Définition :

Les techniques d’allongement coronaire (chirurgicales ou orthodontiques) ont pour objectif d’augmenter la hauteur de la couronne clinique en vue d’une restauration conservatrice ou prothétique. Selon les cas cliniques rencontrés, cette chirurgie peut être effectuée avec ou sans résection osseuse, associée en général à une gingivectomie et/ou un lambeau. Ce livret traitera tout particulièrement des allongements coronaires chirurgicaux associant les actes d’ostéoectomie, d’ostéoplastie, et parfois de gingivoplastie.
Les allongements coronaires orthodontiques ne seront pas abordés, ni les techniques de gingivectomie seules traitant les éruptions passives altérées.

2. Indications et contre-indications:

Les indications d’un allongement coronaire peuvent être multiples :

• Esthétiques :
- Hyperplasie gingivale (sourire gingival par exemple. Selon Allen EP. (1988), un sourire est dit gingival si plus de 3 mm de gencive sont visibles).
- Mauvais alignement des collets.

• Atteinte bactérienne:
- Caries sous gingivales.

• Accidentelles:
- Fractures ou fêlures coronaires ou radiculaires.

• Pathologiques - occlusales:
- Bruxisme.
- Mauvaise occlusion.

• Facteurs iatrogènes:
- Prothèse dont le rebord cervical ne respecte pas l’espace biologique, perforation,…

Les contre-indications d’un allongement coronaire sont identiques à celles de toute chirurgie considérée comme invasive. Un examen poussé de l’état de santé du patient doit donc être réalisé afin de vérifier son état général.

Toutefois, pour ce type de chirurgie, il faudra particulièrement veiller à :

• L’état parodontal et endodontique du patient.
• La stabilité de la dent.
• Respecter le ratio couronne/racine après allongement coronaire. D’après Schillingburg (1982), le rapport 1/1 est le minimum acceptable. La hauteur de la couronne doit toujours être inférieure à la racine, surtout dans les cas où les couronnes ne seront pas solidarisées.
• Ne pas découvrir les zones de furcation en présence d’un tronc radiculaire court.
• L’esthétique de la dent dans son environnement adjacent.
• L’occlusion.
• La proximité radiculaire des dents voisines.



3. Espace biologique:



Selon GARGIULO et coll. (1961), qui l’a défini, l’espace biologique est compris entre le fond du sulcus et le sommet de la crête osseuse. Il mesure en moyenne 2,04 mm. La hauteur du sulcus est quant à elle estimée à 0,69 mm. La somme des deux, arrondie à 3 mm, constitue la hauteur moyenne de la zone comprise entre le sommet de la crête marginale et la crête osseuse, soit l’espace chirurgical pré-prothétique à préserver.
Le respect de l’espace biologique est primordial lors de la réalisation d’une restauration prothétique ou d’un soin. Sa violation peut engendrer des lésions parodontales de type gingivite, récession gingivale et résorption osseuse. Pour rétablir une bonne physiologie, il est alors nécessaire d’apicaliser de 3 mm le niveau de la crête osseuse par rapport à la limite apicale de la préparation afin d’allonger la hauteur de la couronne clinique. L’espace biologique peut ainsi se redéployer physiologiquement et l’accès à la limite cervicale de la préparation est amélioré. Le niveau de la crête osseuse détermine la position finale de la gencive marginale.



* Applications cliniques:



 Les techniques d'allongement coronaire :

a. Examen clinique :

Le choix de la technique opératoire varie selon les situations cliniques. Il est nécessaire de vérifier lors de l’examen clinique et radiologique certains paramètres parodontaux, dentaires, esthétiques, occlusaux et psychologiques du patient (19).

Afin d’élaborer le tracé d’incision, il est important de contrôler la bonne condition des caractéristiques du parodonte par :

• Un sondage parodontal de la dent et des dents voisines:

- Il permet de mesurer la hauteur du sulcus qui est sain jusqu’à 3 mm de profondeur.
Au delà, on est en présence d’une poche parodontale (19).
- Réalisé éventuellement sous anesthésie locale, ce sondage pourra permettre d’évaluer le niveau osseux et/ou de suivre le trajet d’une hypothétique fêlure ou fracture.
- Enfin, il permettra d’estimer la hauteur de l’espace biologique.

• Une évaluation de l’épaisseur et de la hauteur de gencive:

- L’épaisseur de la gencive sera vérifiée à l’aide d’une sonde placée dans le sulcus. Si les tissus sont fins, la sonde sera visible par transparence. Idéalement, il faudra alors pratiquer une greffe gingivale d’épaississement (tissu conjonctif enfoui) afin d’obtenir un résultat esthétiquement satisfaisant.
- Selon Davarpanah et al. (10), la hauteur de gencive kératinisée nécessaire est de 5 mm : 2 mm de gencive libre et 3 mm de gencive attachée.

Avant tout allongement coronaire, il faut s’assurer que le parodonte est exempt de maladie parodontale non stabilisée. Le contrôle de plaque doit être bon. Il peut être nécessaire de réaliser un détartrage et de prévoir, au préalable, le traitement d’une maladie parodontale.

L’examen radiographique doit permettre d’évaluer l’état de la dent, son environnement
et la qualité de l’éventuel traitement endodontique. Il permet de :

- Visualiser la nature du délabrement (cf I 2), la lésion, le trait de fracture, …
- Contrôler le rapport couronne/racine et de vérifier le nombre, la forme, la longueur et l’emplacement des racines ainsi que la qualité du traitement endodontique.
- Faire l’état des lieux des dents adjacentes (ex : recherche de proximités radiculaires, …).
- Contrôler l’épaisseur d’os inter-dentaire et la forme de la crête osseuse.
- Voir la hauteur des furcations.
- Faire l’analyse de l’emplacement des éléments anatomiques dits à risque : nerfs, artères, membrane, kystes, dents incluses,…

L'examen visuel contrôlera l’esthétisme de la dent dans son environnement et la morphologie gingivale (examen du sourire, emplacement de la dent sur l’arcade, forme du feston gingival, harmonie des collets, papilles inter-dentaires,…).

b. Choix de la technique chirurgicale :

L’allongement coronaire sera possible si la lésion se situe, au pire, au niveau de la moitié
de la racine, dans la mesure où le rapport couronne/racine reste favorable. Ce ne sera 

pas le cas si la lésion est située dans le dernier tiers apical de la racine.


Le choix de la technique chirurgicale à privilégier sera défini par analyse du biotype
parodontal, soit l’analyse des paramètres suivants : 


- état de la corticale , hauteur et 

épaisseur de la gencive.


L’ostéoectomie et l’ostéoplastie permettent de repositionner l’os alvéolaire à 3 mm,
au moins, de la limite de la préparation prothétique, en réaménageant un espace 

biologique, en harmonisant les contours et en veillant à ne pas créer de défauts osseux.


Selon Davarpanah et al. (2004), la chirurgie osseuse commence toujours par une
ostéoplastie (remodelage de l’os qui n’assure pas le soutien de la dent), suivi d’une 

ostéotomie de l’os de soutien. Il faudra notamment recréer une configuration festonnée, 

des gouttières interproximales, amincir les rebords osseux particulièrement en zone 
coronaire, éviter les « cuvettes » osseuses près des septa, réduire les exostoses,…

Premier cas de figure : hauteur de gencive attachée + gencive libre au moins égale à 5 mm.

On commencera par une gingivectomie/gingivoplastie, afin de dessiner précisément le contour gingival souhaité et de supprimer le tissu excédentaire.
Il est important de souligner que cette gingivectomie n’est indiquée que lorsque la hauteur de gencive attachée est importante, c’est-à-dire que la hauteur de gencive attachée résiduelle après gingivectomie est d’au moins 5 mm. Elle est réalisée à biseau interne (en direction apicale), après avoir dessiné le contour désiré par une incision très peu profonde afin d’anticiper le résultat esthétique. La gencive que l’on veut éliminer est excisée.


On élève ensuite un lambeau de pleine épaisseur. Un léger marquage sur la racine peut alors être réalisé afin d’indiquer la future limite prothétique et de définir le niveau futur de la gencive libre.

 L’ostéoectomie débutera à partir de ce repère et se terminera 3 mm apicalement. Une fois celle-ci terminée, la suture du lambeau est réalisée.


Deuxième cas de figure : hauteur de gencive attachée + gencive libre inférieure à 5 mm.


En vue d’une cicatrisation de première intention, les lambeaux sont contrôlés avant 
suture afin d’obtenir un recouvrement optimal de la zone.



Le tableau ci-dessous permet de résumer les différentes techniques chirurgicales 
d’allongement coronaire à adopter en cas de non respect de l’espace biologique dû 

aux fractures, caries sous gingivales.





c. Cicatrisation :

Le temps de cicatrisation varie selon les différentes techniques chirurgicales. Le patient est revu après une semaine de bains de bouche à la chlorhexidine. Les sutures seront déposées à 8 jours. Une couronne provisoire permettra au patient de ne pas avoir de désagrément esthétique et permettra surtout de guider la cicatrisation. Le traitement prothétique peut commencer environ trois à six mois après l’intervention. Cependant, il est primordial d’attendre la maturation gingivale ainsi que la reconstruction de l’épithélium de jonction.

* Bibliographie :

1. Ackerman M., The full coverage restoration in relation to the gingival sulcus, Compendium,
November 1997, volume 18, N°11.
2. Bader H., Soft-Tissue Considerations in Esthetic Dentistry, Compend. Contin. Educ. Dent.,
volume XII, N°8.
3. Benalikhoudja M., Serfaty R., Pokoik P., L’élongation coronaire : indications – limites et
techniques, Information Dentaire, 1998, N°44.
4. Bensimon G., Surgical Crown-Lengthening Procedure to Enhance Esthetics, The international
Journal of Periodontics & Restorative Dentistry, 1999, volume 19, N°4.
5. Borchard R., Erpenstein H., Incisions and tissue management in periodontal surgery, Perio
2004, volume 1, Issue 2, 111-122.
6. Borghetti A., Monnet-Corti V., Chirurgie plastique parodontale, Editions CdP, 2001.
7. Brägger U., Lauchenauer D., Lang N.P., Surgical lengthening of the clinical crown, J. Clin.
Periodontol. 1992, 19, 58-63.
8. Cohen M., Utilisation du bistouri électrique en chirurgie parodontale, Les Cahiers de Prothèse,
1980, N°29.
9. Couret H., Armand S.,Carcuac O., Boghanim P., Stafin-Zerbib A., Elongation coronaire
préprothétique, Les cahiers de prothèse, 2005, N°131.
10. Davarpanah M., Kohen B. J., Caraman M., Kebir-Quelin M., L’élongation coronaire : comment 
choisir la meilleure option thérapeutique ?, Alternatives, 2004, N°21.

11. Glise J-M., Monnet-Corti V., L’élongation coronaire chirurgicale, Clinic 2004, volume 25, N°4.
12. Hall Walter B., Gluskin Alan H., Roberts W. Eugene, LaBarre Eugene E., Decision Making in
Dental Treatment Planning, Mosby, 2nd edition.
13. Jorgensen M., Nowzari H., Aesthetic crown lengthening, Periodontology 2000, 2001, volume
27, 45-58.
14. Keller J-F., Bernadac E., Douillard Y., Les élongations coronaires chirurgicales : intérêts fonctionnels 
et esthétiques, Clinic, 2007, volume 28.

15. Kois J., The restorative-periodontal interface: biological parameters, Periodontology 2000,
volume 11, 1996.
16. Lai J. Y., Silvestri L., Girard B., Anterior esthetic crown-lengthening surgery : a case report,
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17. Nemcovsky C., Artizi Z., Moses O., Preprosthetic clinical crown lengthening procedures in
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18. Ouhame N., Bouziane A., Ennibi O., L’élongation coronaire : quelle technique choisir ?
http://www.fmdrabat.ac.ma/wjd/V2N2/V2N2/elongation_coronaire.htm
19. Piard-Lecomte G. Les élongations coronaires : techniques et indications, thèse Université
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20. Peivandi A., Bugnet R., Debize E., Gleizal A., Dohan D.M., L’ostéotomie piézoélectrique :
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27. Wolf Herbert F., Rateitschak Edith M. & Klaus H., Hassell Thomas M., Color Atlas of Dental
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